T’es pas sûr que c’est une bonne idée. Nan, ce n’est pas une bonne idée, c’est une mauvaise idée.
Pourquoi Perle, d’abord ? T’as pété un câble ? Oh surement.
Et tu t’interroges, comme ça, tout le long de ton attente, posé comme une merde sur ton banc. Petite terreur des bacs à sable, le Stanley.

Perle, par définition, est ta stricte opposée. Elle est soignée, polie, une chouille hautaine, une chouille trop bien sur elle, peste à ses heures, impitoyable. C’est ta définition de la jeune fille, ce qui figure dans le dictionnaire à côté de son nom –ça doit être écrit en belles lettres, beau français d'ailleurs, la demoiselle ne supporterai pas le contraire-.
Alors comment, par quelle miracle ou artifice mystérieux, traînes-tu avec une fille pareille ?
T’en sais rien. Mais pour l’instant t’as besoin d’elle, une raison suffisante pour pousser tes interrogations dans un coin, les oublier le temps de.

Tes doigts, nerveux, tapotent une nouvelle fois sur ton portable un message prés mâché. «  T’es où ? » qu’il dit. Pas de réponse, pas de réponse. T’espères qu’elle ne se prendra pas des envies de rébellion, la fille trop sage. Tu te sens pas l’âme de subir ses réflexions et si, par malheur, un malheureux « paysan » venir à sortir de sa bouche, tu jures de le lui faire bouffer comme il se doit, bourge ou non, noble ou non.

code © mei sur apple-spring

A la réflexion, le sujet te parait délicat, si ce n’est épineux. Susceptible de blesser ta fierté de mâle en tout cas, un motif suffisant pour te rendre nerveux, si ce n’est mal à l’aise. Ton genou tremble –très certainement parce que tu t’appuis sur le devant de ton pied- comme un tic qui t’habite depuis que t’es là. Un autre d’ailleurs serait celui de regarder l’heure toutes les deux minutes, comme pendant un cours trop long et trop ennuyeux pour avoir mieux à faire que d’attendre la fin du supplice.
Mais enfin, la voilà, toute coquette dans son tutu à froufrous. A tous les coups, elle a mis trois plombes pour l’enfiler d’où son retard. Toi tu t’es contenté de ton uniforme, que t’as eu la sainte flemme d’enlever parce que t’as eu cours ce matin. Point barre.

▬ Stanley ! Qu'y avait-il donc de si important, pour que tu te décides à demander mon aide ?

Tu déglutis en la sentant te faire la prise de l’ours. Ah les marques d’affection merci, mais non merci. Tu t’avances un peu sur le banc pour en réchapper, elle devrait savoir depuis le temps que les embrassades c’est clairement pas ton truc.
Elle comprend vraisemblablement le message puisqu’elle dégage ses bras tentacules pour s’asseoir à côté de toi.

▬ ..Oh, et comment te portes-tu ?

Bien, bien. Non mal en fait. Ahaha, la réponse se fait muette.

▬ Bonjour à toi aussi.

Tu échappes, grinçant. Oh non, tu n’es pas le genre de personne qui se plie en quatre et qui se fait tout tendre et mielleux pour avoir les faveurs de quelqu’un. Tu as toujours été comme ça avec tes proches –ouais, un peu cassant sur les bords- et tu ne vas pas changer tes petites habitudes à toi pour obtenir les bonnes grâces d’un tiers. C’est un peu comme de la prostitution à tes yeux.

▬ Je me porte comme un charme et toi ? On a mis du temps pour se faire jolie à ce que je vois.

Tu réponds finalement en rangeant ton téléphone dans la poche arrière de ton pantalon, ton demi-sourire d’enquiquineur de service pendu sur les lèvres. C’est un bon moyen de se mettre à l’aise.

code © mei sur apple-spring