C’était la fin d’après-midi et Elune ne se sentait plus de porter cet uniforme de gamine. Les petites jupes plissées et les gilets à deux balles ça allait en moment, mais là elle rêvait d’enfiler un pyjama confortable et bien sexy. Elle se dirigea vers l’académie, entra, se trompa de couloirs à peu près cinquante fois et finit par prendre un ascenseur pour monter au cinquième étage. Le cinquième... Quelle idée de mettre des dortoirs aussi haut ! Impossible de s’échapper le soir à moins de posséder un pokémon vol, impossible de monter les escaliers à pieds sans mourir, passer devant tous les dortoirs et voir beaucoup trop de monde...

Arrivée au cinquième, elle se rappela le chemin qu’elle avait fait le premier jour et se dirigea sans peine jusqu’au dortoir qu’elle partageait avec trois autres personnes. Jace, Krystina et un certain Maksimilian. Elle n’avait pas encore pris le temps de leur parler, elle évitait pour le moment de rester trop longtemps à l’intérieur. Elle avait trop à visiter à l’extérieur pour perdre du temps à papoter avec ses colocataires. Tout ce qu’elle espérait, c’est qu’ils ne soient pas tous de gros boulets qu’elle devra se trimballer durant tout son séjour à l’académie. Elle n’y avait pas pensé, mais peut-être seraient-ils aux dortoirs ? Les cours étaient terminés, il y avait de fortes chances de les croiser par ici. Elle soupira, puis tenta de changer son état d’esprit, se dire qu’ils pouvaient aussi être ultra sympas et qu’elle passerait du bon temps avec eux. Une fois devant la porte de son dortoir, elle pressa la poignée et entra.

Étalé dans son lit comme s’il s’agissait du plus confortable du monde, Jace était donc rentré des cours. Elune resta sur le pas de la porte et l’observa quelques secondes. Puis un léger sourire se dessina sur son visage et elle ne pouvait détourner son regard de la petite pince qu’il avait accrochée à ses cheveux pour se dégager les yeux. Même elle ne faisait pas ça. Donc, ce gars-là avait son petit côté féminin et le désir d’avoir toujours l’air d’un bad boy aux mèches folles auprès des autres élèves. Il devait certainement se dire que personne ne pénétrerait ici avant un moment et s’était mis à l’aise, comme Elune mourrait d’envie de mettre son pyjama... Mais du coup, elle avait changé d’avis.

« Salut. »

Elle dû se pincer les lèvres pour ne pas lui faire un commentaire sur sa barrette et ses cheveux attachés. Il n’était pas immonde, même coiffé ainsi, il fallait bien le reconnaitre, mais sa crédibilité en prenait un coup. Surtout quand on a l’habitude de le croiser dans les couloirs avec ses cheveux dans les yeux et ses airs de rebelle. Enfin, l’habitude, pas tellement. Peut-être que c’était ça, en fait, sa coupe normale ?

Elune décida de se bouger et alla près de son lit. Elle y déposa ses affaires, pris son paquet de clopes et le reposa aussi tôt en levant les yeux au ciel. Ils n’avaient pas le droit de fumer. Pas le droit de crier. Pas le droit de courir. C’était bien sympa de nous offrir la chambre, mais la plupart d’entre eux étaient adultes, quand même... Elle ôta son gilet et se retrouva en chemise courte. Elle n’était pas encore à l’aise avec ces uniformes, mais il le fallait bien. Elle regarda à nouveau Jace.

« Jace, c’est ça ? Je viens d’arriver, alors j’ai encore de la peine... »

En fait, elle le savait très bien que c’était lui, Jace. Mais elle n’était pas douée pour entamer une conversation et n’avait pas envie de laisser un gros blanc s’installer entre les deux. Elle faisait des efforts, il faut le savoir. Et en plus, elle essayait de paraître ouverte et amicale. Ce pourquoi elle conclut sa phrase avec un sourire qui se voulait sincère.

Quand elle le salua, il se dressa presque subitement et stagna devant son lit. Elune fronça les sourcils mais ne chercha pas plus loin. Il était peut-être stressé ? Il faisait genre mais n’avait jamais vu d’aussi jolie fille dans sa vie ? Elle haussa les épaules. Lorsqu’elle lui demanda s’il s’appelait bien Jace, il lui lança un petit sourire en la complimentant de « plutôt jolie ». La jeune femme resta impassible. Plutôt jolie ? De toutes les filles qu’elle avait croisées jusqu’ici, elle était de loin la plus mature et la mieux modelée. Elle était un peu vexée, mais tenta de ne pas le montrer. Elle rentra dans son jeu.

« Toi non plus t’es pas dégueulasse. »

Cette fois, le sourire qu’elle lui lançait était sincère, quoiqu’un peu ironique. Elle disait ça pour le provoquer, gentiment, mais c’est vrai que même avec sa barrette de gamine dans les cheveux, il dégageait quelque chose dont personne ne pouvait rester insensible. Mais pour l’heure, elle n’avait aucune envie de tenter quelque chose. Si ça se trouve, c’était un de ces connards qui allait se défiler au moindre contact et ne plus jamais réapparaitre. Enfin... Le fait d’être colocataires changeait peut-être un peu la donne, mais elle n’avait pas envie de tenter. Par contre, montrer tous ses atouts féminins pour tenter de lui faire changer d’avis sur son « plutôt jolie » ne la dérangeait pas. Elle allait y réfléchir.

Alors qu’elle imaginait un moyen de continuer la conversation avec son camarade, ce dernier mit la main dans ses cheveux et ôta rapidement la barrette qu’il avait sans doute oubliée. Elune ne pu empêcher son sourire de s’élargir de plus en plus. Donc, ce n’était pas sa coupe normale, et la petite Crowley avait pu profiter de ce rare instant de gentil garçon.

« Oh, pas la peine de l’enlever, ça te va bien. »

Son sourire était d’autant plus énorme et elle avait sûrement un air de psychopathe. Elle ne pouvait pas se retenir de le charrier, un tel moment d’imprudence était une occasion à saisir. Ce n’est pas qu’elle aimait se moquer,  c’est qu’elle aimait avoir l’air de tenir les ficelles. Et ce garçon l’amusait. D’ailleurs, sa manière de ne pas oublier et rester droit comme un pic la rendait curieuse. Il ne préférait pas s’assoir ? Lui qui était si bien dans son lit ?

« Tu veux pas t’assoir ? Tu fumes ? C’est lourd d’être au cinquième... »

Deux questions pour le prix d’une, il avait tiré le gros lot. Elune ressentait son envie de fumer, mais elle n’était pas là depuis longtemps, et griller le règlement direct, elle n’était pas sûre de vouloir le faire...

Son sourire s’effaça d’un coup lorsqu’elle vit que sa remarque n’avait pas fait son petit effet. Ok, elle était même un peu vexée, encore. Il allait lui donner du fil à retordre. Il parla même de ses connaissances intimes et, visiblement, Elune était blasée. Elle lâcha un « pff » pas très encourageant et remarqua qu’il fit deux-trois acrobaties avec ses jambes pour tenter de dissimuler quelque chose sous son lit. La jeune femme fit mine de ne rien voir ; elle allait pouvoir fouiller cet endroit plus tard aujourd’hui, voir même pendant la nuit. S’il le cachait, c’était sûrement quelque chose d’intéressant, non ? Peut-être une réserve personnelle de clopes ? Où pouvait-on en acheter à part au magasin à -beaucouptropdekilometres- de là ? Ou peut-être un secret ? Dans tous les cas, sa curiosité grandissait et elle avait de la peine à le cacher.

Alors qu’elle lui demandait s’il était fumeur, Jace se rapprocha et instinctivement, Elune recula sur son lit. Il vint près d’elle et prit son paquet de cigarettes avant de lui en proposer une comme si de rien n’était. Elle commençait à l’aimer. Il n’était pas facile à cerner, imprévisible et visiblement, c’était un connard. Et elle, elle avait un faible pour les connards. Elle prit une de ses clopes et se dirigea vers la fenêtre. Est-ce qu’elle devait vraiment faire ça ? Est-ce qu’elle avait envie d’une cigarette à ce point ?

« Merci. Un vrai gentleman. J’imagine que je n’ai pas besoin de te dire que tu peux en prendre une. »

En plus, elle en était presque certaine, il en avait certainement cinq ou six paquets dans les poches mais voulait juste profiter des clopes gratuites qui s’offraient à lui. Elle se jura de ne lui en accorder qu’une, les autres il pourrait se les foutre où je pense. Elle s’approcha de la fenêtre.

Comme sa jupe n’avait pas de poche, elle planquait son argent et son briquet dans son sous-tif. Alors elle y plongea sa main et sortit un briquet tout chaud de sa confortable cachette. Elle regarda Jace avec un petit sourire et lui alluma sa clope. Elle espérait de tout coeur qu’il avait suivit le mouvement de sa main et qu’il avait pu remarquer qu’elle n’était pas si mal foutue et qu’il allait avoir intérêt à la désirer. Elle n’allait en tout cas pas passer pour le gros boudin. Surtout qu’il y avait une autre fille dans la chambre, Krystina, et qu’elle était pas mal non plus. Y’avait de la concurrence et elle n’aimait pas ça. Même si elle n’en avait rien à foutre de lui, elle aimait qu’on lui porte de l’attention. Surtout les beaux garçons. Après son petit manège, elle alluma sa cigarette à elle et cracha sa fumée par la fenêtre. Elle s’y était accoudée et regardait l’extérieur.

« Tu sais que si Miaouss nous chope, c’est des points en moins pour la maison ? Bon, ils n’auraient pas dû nous foutre au cinquième, on est d’accord... »

En fait, c’est eux qui l’avaient cherché, pas les Wèngyard. Fallait s’y attendre, que la majorité de ces élèves fume. Et bim, on mettait leurs dortoirs au cinquième étage. Au cinquième ! D’ailleurs, est-ce que Krystina et Maksimilian fumaient ? Parce que si ce n’était pas le cas, ils allaient devoir supporter une odeur de clope continuelle...

Ils étaient serrés, au bord de cette fenêtre juste assez grande pour les accueillir tous les deux. Ça dérangeait un peu Elune, mais ce n’est pas totalement désagréable. Elle remarqua à quelle point il était plus grand qu’elle et c’était presque gênant. Elle avait un sentiment d’infériorité qu’elle n’appréciait pas du tout. Mais regarder l’extérieur de l’académie lui fit oublier tout ça. Ces espaces, ces immenses jardins, quelques étudiants par-ci par-là... Elle avait encore de la peine à imaginer qu’elle avait atterrit ici. C’était du luxe, et c’était bien.

Lorsqu’elle lui parla de Miaouss, il ricana et lui répondit qu’il n’en avait rien à foutre des points en moins. Elune regarda au loin et cracha sa fumée. C’est pas faux. Avait-elle vraiment des affinités avec sa maison ? Valait-il vraiment la peine de faire tant d’effort pour gagner on ne sait quoi ? Plus elle argumentait, plus elle donnait raison à Jace. Celui-ci, en continuant à regarder au loin, ajouta qu’on n’avait qu’à mettre la faute sur Miaouss, puis il lui lança des petites piques avec des remarques ironiques. Elune leva les yeux au ciel et tapota sur sa clope pour en ôter la cendre.

« Bien sûr. Si tu crois que tu peux me laisser dans la merde comme ça sans que je réagisse, tu me connais encore mal. À ce jeu-là, je pense que je te bats facilement. Je me faufile en douce à des endroits que tu ne peux pas imaginer. »

Elle tourna la tête et lui lança un petit sourire provocateur.

« C’est pas comme si tu pouvais passer inaperçu, avec ta barrette Hello Skitty dans les cheveux. »

Deuxième sourire, à pleines dents. Il aimait jouer, mais elle, elle aimait jouer par-dessus tout. Et elle était certaine que Jace allait être un bon camarade de jeu. Elle était soulagée, parce qu’elle allait devoir passer un bon moment avec lui, dans ces dortoirs tout du moins... Et même s’il serait difficile à mener à la baguette, elle était persuadée de pouvoir en faire quelque chose. Il n’allait pas lui être inutile. Lorsqu’il lui fit la remarque du joli spectacle qu’il avait pu observer lorsqu’Elune avait plongé sa main dans son décolleté, elle ne pu s’empêcher de rigoler. Doucement, sincèrement. Ça ne lui était pas arrivé depuis longtemps, mais c’était agréable. Jace était sûrement très con, mais il était aussi un bon passe-temps et il arrivait à la faire rire. Peut-être parce qu’il se la jouait cool, qu’il n’avait pas l’air prise de tête et qu’elle aimait ça. Un futur ami ? ou un futur ennemi ?

« Ouais, hein ? Tout le monde ne peut pas se vanter d’être en coloc’ avec une fille comme moi. »

Son égo gonflait de seconde en seconde, même si elle ne pensait qu’à moitié les mots qu’elle prononçait. Et lui dire ça lui faisait penser aux deux autres élèves qui partageaient leur chambre. Maksimilian et Krystina. Des gens qui avaient l’air... étranges, mais sympas. Peut-être.

« Tu leur as déjà parlé, aux deux autres ? Ils ont l’air du genre assez déjantés, mais le mec là... Je sais pas, il me fait penser qu’il pète plus haut que son cul. »

C’étaient les premières impressions qu’Elune avait eu de lui, même si, au final, elle ne l’avait que peu croisé.

Petite ? Ce n’est pas elle qui était petite, c’est lui qui était beaucoup trop grand. Il lui tapota la tête et des frissons parcoururent le corps de la jeune femme. Pas des frissons de plaisir, ni des frissons de dégoût, mais des frissons qui lui vinrent de ce contact qu’elle n’avait pas calculé et qui la repoussa. Elle n’aimait pas qu’on la touche, mais ne voulait pas non plus montrer cette faiblesse face aux êtres humains. Elle n’était pas asociale, mais n’avait pas l’habitude du contact, surtout de quelqu’un qu’elle venait à peine de rencontrer. Elle se raidit l’espace d’un instant, oubliant de fumer sa cigarette, et reprit ses esprits quelques secondes après. Elle n’avait pas prévu de réplique alors balança la première chose qui lui vint en tête.

« C’est toi qui est beaucoup trop grand. »

Elle aurait pu ajouter « d’abord » à la fin de sa phrase et elle passait pour la parfaite gamine écervelée. Elle s’en voulut une fraction de seconde plus tard, mais ne pouvait pas remonter le temps. Elle se jura de ne plus dire quoi que ce soit lorsqu’elle était déstabilisée. Son visage se renfrogna et elle jeta sa clope habilement par la fenêtre. Elle atterri des mètres plus bas, c’était si haut qu’elle l’avait perdue de vue. Elle se retourna alors et s’appuya dos à la fenêtre.

Lorsqu’elle lui balança qu’il avait beaucoup de chances d’être avec elle en colocation, il répliqua des mots qui la firent sourire. Oui, il était à la hauteur. Il disait ça sur le ton de la plaisanterie, mais elle était persuadée qu’il le pensait quand même. Il faut le dire, elle n’aurait pas apprécié tomber sur le petit moche de l’école. Premièrement parce que ben, il était moche et petit, deuxièmement parce que pour le bien de cette personne, c’était mieux de se tenir éloigné d’Elune pour ne pas passer une année de merde. Elle n’aimait pas se moquer méchamment, mais elle aimait se servir des gens. Et il aurait souffert à un moment ou à un autre.

Lorsqu’elle lui demanda s’il avait déjà parlé aux deux autres, il répondit à la négative. Bon, au moins, elle n’était pas la petite dernière, celle qui allait devoir s’intégrer. Lorsqu’il suggéra qu’ils devraient peut-être subir leurs ébats,  Elune fit une grimace et alla répliquer lorsqu’il ajouta, apparemment très fier de lui, que ça pourrait donner des idées à la jeune Crowley. Elle se détacha de la fenêtre et le regarda droit dans les yeux.

« Ne me tente pas. Tu ne pourrais pas suivre, de toute façon. »

Une lueur brilla dans son regard. Elle commençait vraiment à s’amuser avec lui. Jamais elle ne le laissera la toucher et jamais elle tentera de le toucher lui, mais c’était un vrai plaisir de jouer le jeu. Étonnamment, il était loin d’être le simplet qu’elle avait imaginé lorsqu’elle était entrée dans la chambre. Elle appréciait « discuter » avec lui, même s’ils déconnaient plus qu’autre chose. Ce qui était marrant, c’est qu’ils déconnaient sans déconner. Parce qu’il y avait quand même du vrai dans tout ce qu’ils disaient.

« Bon, au lieu de me draguer lamentablement, tu voudrais pas me dire ce que tu caches sous ton pieu ? Parce que bon, la discrétion, ça n’a pas l’air d’être ton fort... Et j’avoue que je n’ai pas envie d’attendre la nuit pour te piquer tes petits trésors. »

Elle pencha sa tête sur le côté en regardant Jace avec un petit sourire. Elle était trop curieuse, elle avait envie de savoir ce qu’il voulait tant lui cacher. Ils étaient colocataires alors d’une manière ou d’une autre, ils allaient devoir se donner des coups de mains. C’est lui qui allait commencer en lui disant ce qu’il avait ramené dans la chambre.

Son commentaire sur son expérience - quelle qu’elle soit - ne lui avait pas plu. Elle se tourna, grimaça puis lui fit face de nouveau pour lui demander ce qu’il pouvait bien planquer sous son lit. Quelque chose, qu’il répondit. Elune croisa les bras sur sa poitrine, signe de mécontentement, et fronça les sourcils. Ah ouais ? Mais qu’est-ce qu’il allait s’imaginer ? Qu’elle n’allait rien faire pour tenter de savoir ? Le fait qu’il ne lui ait pas répondu avait d’autant plus piqué sa curiosité et le sentiment qu’elle éprouvait était presque malsain. Elle voulait savoir à tout prix ce qu’il planquait sous son pieu. Et il avait le culot de lui sourire. Mais cette fois, il ne semblait pas vouloir l’emmerder. Il voulait peut-être juste la voir s’énerver ? Ou tenter de chercher son petit trésor ?

« Bien... Si tu veux pas m’le dire, c’est que soit c’est important, soit tu veux me faire chier. »

Il y avait peut-être d’autres options, mais elle n’en voyait pas. Intérieurement, elle priait pour que Maksimilian ou Krystina entrent dans la chambre pour qu’ils puissent faire diversion pendant qu’Elune tentait de trouver ce que Jace cachait. Mais évidemment, personne ne vint.

Elle alla à nouveau s’assoir sur son lit, plus proche de celui de Jace que des deux autres, et tenta de réfléchir sans perdre trop de temps. Si elle abusait, il allait bien voir qu’elle préparait quelque chose et elle ne pourrait plus rien tenter. Se jeter sous le lit n’était pas très fin, attendre la nuit était trop difficile pour elle... Elle aurait pu s’assoir sur le lit de Jace et tenter quelque chose en décrochant un ou deux boutons de plus de sa chemise, mais elle n’était pas une grosse allumeuse non plus. Son cerveau bouillonnait. Puis, alors qu’elle tapotait le lit de ses doigts pour trouver une idée, elle sentit son vieux paquet de cartes qu’elle gardait toujours sur elle. Comme elle était maline et surtout très bonne tricheuse, elle s’amusait beaucoup à plumer les autres avec son fidèle jeu. Elle tenta de cacher son sourire et prit le paquet.

« Que dirais-tu d’une partie de cartes ? Je gagne, tu me montres ce que tu as sous ton lit. Tu gagnes... Eh bien, comme je choisis ce que je gagne, choisis ce que tu gagnes toi aussi. »

Elle marqua une pose d’une seconde avant de continuer à parler.

« Mais je te rappelle que nous avons deux colocataires qui peuvent débarquer à n’importe quel moment, alors ne vise pas trop haut. »

Surtout que tu as peu de chances de gagner, se murmura-t-elle à elle-même. Tapotant le lit à côté d’elle, elle invita Jace à s’installer. Son plan était parfait.

Jace avait souri, c’était bon signe. Il allait certainement accepter son petit défi et Elune en était pleinement satisfaite. Sauf que tous ses espoirs s’écroulèrent d’un coup lorsqu’il proposa de jouer avec son paquet tout neuf, même pas déballé. Elle serra le sien dans ses mains, ses bonnes vieilles cartes avec lesquelles elle était sûre de gagner... Elle était obligée d’accepter et cacha la rage intérieure qui commençait à lui monter aux joues. Il jouait bien, ce petit con. Il n’était pas facile à duper et elle avait une folle envie de le mépriser et se tirer de là non sans avoir fouillé le dessous de son lit. Mais elle resta calme et rattrapa le paquet de cartes que Jace lui envoya.

« Ouais, pas de soucis. Qu’importe les cartes, de toute façon. »

Elle grommela quelque chose avant que le Wèngyard se dirige vers son armoire. Mais qu’est-ce qu’il foutait ? Elle mélangea les cartes jusqu’à remarquer qu’en fait, il se déshabillait. Quoi ? Elune s’arrêta net lorsqu’il lui lança qu’elle ne devait pas se rincer l’oeil. Trop tard, le con. Elle aurait presque pu rougir, mais non. Elle mélangea le paquet de carte juste devant son visage, comme pour se cacher, alors qu’effectivement elle se rinçait l’oeil. Un esquissa un petit sourire et continua de mélanger tout en observant Jace. Il avait un tatouage sur le bras et elle se demandait ce que toutes ces formes pouvaient signifier pour lui. Elle parcouru ses muscles et le haut de son corps entier des yeux avant de s’avouer qu’elle n’allait pas tenir longtemps s’il s’amusait à faire ça tous les jours. Un peu mal à l’aise car elle ne pensait pas le trouver attirant, elle tenta de blaguer.

« Je pensais qu’un bad boy comme toi aurait plus de tatouages que ça. Dommage que t’aies ôté ta chemise, elle t’allait bien. »

Il avait enfilé un t-shirt et en fait, ça lui allait bien aussi. Bon. Elle devait se concentrer sur ses cartes. Elle les mélangea, tenta de mémoriser, fis deux trois tours de mains, mais sans son paquet, elle était désemparée. Elle jeta un dernier coup d’oeil à Jace.

« T’as pas plus à l’aise avec ton petit accessoire féminin ? »

Un petit sourire narquois aux lèvres, elle mélangea une dernière fois les cartes et le fixa droit dans les yeux, un air de défi. Elle n’était pas prête, mais n’allait pas le laisser croire ça. Elle croisa les doigts pour gagner. Y’avait de l’enjeu. Une fierté et un secret caché sous son lit.

Il ne répondit pas à sa petite vanne sur les tatouages et sur sa jolie petite barrette. Le pire c’est qu’elle l’embêtait, mais qu’il était vraiment pas mal avec le visage dégagé comme ça. Un peu intello, mais sexy. Rien que d’y penser, Elune avait un petit sourire aux lèvres. « Hm. En fait, tu as raison. Nous sommes assez intimes pour que tu me voies avec ma pince, n’est-ce pas ? Ou du moins… pas encore, mais ça viendra, », lui annonça-t-il en la touchant. À nouveau, elle eut un petit mouvement de recul et tourna la tête. Est-ce qu’il essayait de la provoquer ? Elle ne s’attendait pas à ce qu’il la touche à nouveau et son mouvement de recul relatait plus de la surprise qu’autre chose. Elle ne s’y attendait jamais, en fait. Son petit sourire malicieux la fit sourire aussi. S’il voulait se la jouer comme ça...

« Tu ne veux pas te changer pour être plus à l’aise toi? », lui demanda-t-il. Elle fixa droit devant elle et l’idée de se changer lui traversa l’esprit. C’est vrai que ces uniformes à la con, elle n’en pouvait plus. Sa chemise lui serrait les seins, sa jupe était immonde et on ne parle pas du look général qu’offraient ces vêtements ultra banals. Elle se leva en laissant les cartes sur le lit.

« Ouais, t’as raison. »

Elle se dirigea vers son armoire et prit un pull assez large. Elle n’avait pas envie de changer sa jupe car elle ne savait pas trop où le regard de Jace se promènerait. Elle était à l’aise avec son corps, mais n’avait aucune envie de se foutre à moitié à poil devant un parfait inconnu. Enfin, pas tout à fait inconnu, mais rencontré le jour-même. Elle déboutonna sa chemise et tourna la tête vers Jace qui était assis un peu plus loin sur le lit.

« Tu mattes et j’te crève les yeux. »

Son regard s’assombrit et lança des milliards de petits poignards en direction du Wèngyard. Un de ses prochains achats serait un paravent pour se changer. Parce que là, à moins d’aller aux toilettes, y’avait pas vraiment de solution. Elle ôta sa chemise en la laissant tomber par terre et enfila son pull précipitamment. Il était un peu trop large, alors ses épaules étaient dégagées et sa jupe ne se voyait pratiquement plus. Pas très sexy, elle n’allait plus pouvoir jouer de ses charmes, mais elle était bien plus à l’aise comme ça. Elle revint près de Jace en jetant un oeil sur les cartes, en espérant qu’il n’avait rien eu le temps de magouiller.

« Une petite partie de bataille corse, vite fait, et tu me montres c’que t’as là-dessous. »

Elle pointa son lit du menton. Elle était prête à lui flanquer une dérouillée.

Lorsqu’il lui « proposa » d’enlever sa jupe lui-même, elle ne prit même pas la peine de lui répondre. Mais comment une rencontre pouvait dérailler ainsi en moins d’une heure ? C’était quoi, ce feeling bizarre qu’ils avaient tous les deux ? Elle n’arrivait pas à le déterminer mais ce qui est sûr, c’est que jamais elle ne s’était comportée ainsi avec quelqu’un d’autre, du moins pas aussi rapidement. Il faut croire que Jace était un adversaire de taille.

Quand elle revint s’assoir sur le lit pour lui proposer une bataille corse, le Wèngyard se coucha à moitié sur le lit, ce qui tout de suite lui donnait un air beaucoup plus détendu, bien qu’il le fût déjà depuis un moment. Il attendait qu’elle distribue.

« Ouais. C’est ce qu’on verra. »

Par mesure de précaution, elle mélangea une dernière fois les cartes avant de les distribuer. Elle était prête à tout pour gagner ce jeu. Sa curiosité malsaine allait peut-être la noyer, mais elle s’en fichait. Elle voulait découvrir ce qu’il cachait.

Elle distribua les cartes et se mit en tailleur sur le lit pour prendre une meilleure position. Son pull était assez large pour ne pas laisser paraitre sa culotte et tout ce qui aurait pu intéresser Jace. Elle lui lança un petit sourire et termina la distribution. La partie allait commencer et elle ne rigolait plus. Ss lèvres se pincèrent et son adrénaline montait d’un cran. Oui, juste pour ça.

« T’es prêt ? J’ajoute une règle. Celui qui gagne devra porter ta barrette durant toute la soirée. »

Elune aussi avait une frange. Elle ne lui cachait pas les yeux, mais elle allait sûrement être encore moins sexy qu’elle ne l’était déjà avec ce truc dans les cheveux. C’est juste qu’elle voulait voir Jace avec à nouveau. C’était marrant, il perdait un peu de crédibilité, juste parce qu’il n’assumait pas. Ça rajoutait un peu de piment au jeu pour Elune, parce qu’elle n’avait aucune, mais alors aucune envie de porter ce truc. Vraiment.

Il reçu un message sur son téléphone mais ne prit pas la peine d’y répondre. C’était un bon point. Les accros aux portables, Elune ne pouvait pas les supporter. Jace était sûrement trop impatient de jouer pour faire attention à ça, ce qui plaisait à la jeune femme. Ils allaient commencer à jouer et la Wèngyard ne pouvait s’empêcher de sourire. Elle n’allait pas perdre. Elle ne pouvait pas perdre. Les jeux de carte, c’était son truc.

Au début, elle gagnait, aisément pourrait-on dire. Elle envoyait des petits clins d’oeil à Jace pour le narguer et empochait de sacrés paquets de carte. Mais d’un coup, sans qu’elle ne sache comment, la situation tourna. Jace était soudain beaucoup plus rapide, Elune manquait tous les coups, il commençait à s’amuser de la situation et elle commençait à rager intérieurement. Elle continua à se battre, mais ce salaud était meilleur. Elune aurait pu devenir pâle mais son sang se chauffait tellement qu’elle devenait plutôt rouge. Elle commençait à frapper de plus en plus fort, mais jamais au bout moment, jamais assez rapide. Elle perdait son sang-froid et se força à se calmer alors que la partie avançait toujours en faveur de Jace. Merde.

C’était la fin. Elle fixait les cartes sur le lit et n’exprimait rien. Absolument rien. Elle resta ainsi quelques instants. De longues minutes. Puis elle tendit la main pour que Jace lui donne sa barrette. Une fois dans ses mains, elle la fixa encore pendant quelques secondes. Elle allait devoir porter ce truc. Ses yeux s’assombrirent d’un coup et elle lança un regard sombre et assassin au gagnant. Lentement, tout en le fixant en faisant sortir le plus de ténèbres possible de ses yeux, elle releva sa frange et pinça ses cheveux. C’était ridicule. Complètement ridicule. Elle ne ressemblait à rien, elle trouvait qu’elle avait un trop grand front, elle aimait se cacher parfois sous ses cheveux, c’était la mort.

Elle ressemblait à ça.:

Il souriait, il souriait, il souriait encore... Il n’arrêtait pas de sourire. Elune tentait d’éviter son regard. Elle ne se sentait pas à l’aise du tout avec cette barrette dans les cheveux. Alors qu’elle lui demandait gentiment s’il ne voulait pas lui montrer ce qu’il avait là-dessus - merde quoi, son petit visage humilié ne le faisait pas craquer ? - , il s’avança lui aussi en lui disant que c’était pas grave. Pas grave ? Et s’il avait perdu, lui ? Pff. Bon, il fallait qu’elle se calme. Elle souffla et fit un travail énorme sur elle-même pour se détendre intérieurement. A l’extérieur, à part son regard noir et ses joues rouges, rien ne pouvait faire comprendre aux autres qu’elle bouillonnait de l’intérieur. Aucun tremblement, aucun muscle contracté, juste une tête à faire fuir le plus méchant des Noctunoir.

Puis lorsqu’il arriva près d’elle, il lui tapota la tête comme à une gamine. À chaque petit coup, la tête d’Elune se baissait et ses yeux clignaient vivement. Elle voulut chasser sa main d’un coup brusque, mais elle aurait confirmé sa colère et perdu encore. Même s’il venait de la traiter comme un Ponchiot, elle se laissa faire et avait une lueur d’espoir. Peut-être qu’il allait lui montrer son trésor, parce que la voir comme ça lui faisait un peu de peine ? Il ne fallait pas rêver. Mais pourquoi pas un peu de compassion.

« Mais je n’ai pas oublié. Tu te souviens de ce que le gagnant obtient, n’est-ce pas ? », demanda-t-il à la petite Crowley. Son sang ne fit qu’un tour et ses yeux s’écarquillèrent légèrement en regardant Jace. Merde. Elle avait tellement pensé à sa défaite et à la barrette qu’elle avait complètement oublié ce qu’elle lui avait dit. Qu’il pouvait lui demander n’importe quoi... Instinctivement, elle plia les bras en s’enfonçant dans ses épaules. Elle n’avait tellement pas imaginé perdre qu’elle n’avait du coup pas imaginé les conséquences s’il gagnait. La tête inclinée vers l’arrière, elle le fixa en attendant qu’il réponde lui-même à sa question. Elle avait peur de faire des suppositions. Parce qu’elle s’attendait à tout. À être son esclave pendant une semaine, à ôter sa culotte pour qu’il puisse la renifler tout la nuit, à faire des trucs beaucoup trop bizarres. Elle déglutit.