La PokeBall ouverte sur mon bureau indiquait qu’Elektra en avait encore fait des siennes. Cette crevure s’était échappée comme elle le faisait souvent. La Posipi adorait me faire tourner en bourrique et jouer à cache-cache dans l’école. Même en dehors, vous me direz. La dernière fois, je l’ai retrouvé sous un banc dans les jardins. Si ça se trouve, elle avait refait la même chose cette fois-ci. Je n’avais pas réellement envie de bouger pour aller la chercher. Mais qui sait, si elle se blesse ou se fait attaquer… En fait, je ne craignais pas vraiment pour elle. C’était plus pour les élèves et leurs compagnons qu’il fallait s’inquiéter. N’oublions pas qu’Elektra adore se battre et qu’elle n’hésiterait pas une seule seconde à engager un duel contre n’importe qui si elle en ressentait l’envie. Je soupirais, exaspérée de son comportement immature et agaçant. Mon starter commençait à se poster devant la fenêtre pour regarder aux alentours s’il ne voyait pas la petite souris blanchâtre. D’après son air désespéré, il n’y avait rien dans les parages. J’étais donc forcée de sortir pour la chercher moi-même. Par chance, je n’avais pas d’élèves ou de Pokémons se reposant pour je ne sais quelle raison.

La veste sous le bras, le sac avec quelques objets de soins ainsi que des médicaments à l’épaule et me voilà partie à la recherche de la dernière accueillie dans l’équipe. Marchant avec précipitation dans les couloirs, je demandais à mon Salamèche de bien regarder de droite à gauche au cas où il l’apercevrait. Rien qui lui ressemblait pour le moment. J’étais certaine qu’elle était encore allée se fourrer dans les jardins. Je pense qu’elle ne connaissait que ce chemin là d’ailleurs. J’avançais toujours plus pressée de la retrouver et de retourner au bureau afin de travailler sur l’élaboration de nouveaux médicaments. Ils étaient tous plus performants au fil des années, et je me devais de mettre au point des nouveautés de mon côté. Je n’avais pas de temps à perdre avec les bêtises d’un Pokémon aussi désobéissant qu’Elektra. Cependant, sur ma route, mon regard se posa sur un jeune homme légèrement en difficulté. Assis sur un banc, il semblait dans les vapes, le nez ensanglanté. Sa chemise ressemblait plus à un torchon absorbant qu’à autre chose d’ailleurs. Je me devais d’aller voir ça de plus près. Mon devoir d’infirmière allait entrer en jeu.

‘Roket, débrouille-toi avec Elektra. Je compte sur toi, j’ai quelque chose à faire en attendant, d’accord ?’

La salamandre à la queue enflammée bougea ses fesses et partit tout seul en direction de l’autre côté du jardin tandis que je m’avançais vers le jeune homme. Observant alors l’état de son nez de loin, je m’asseyais à ses côtés avant de fouiller dans le sac. Il fallait faire quelque chose avant que son état n’empire, et encore… La blessure n’avait pas l’air superficiel. Elle pouvait devenir encore plus moche que ça. Je soulevais la tête du jeune homme en le fixant droit dans les yeux.

‘C’est vraiment pas beau à voir. Comment est-ce que t’as pu le mettre dans un état pareil ? Oh, pardonne-moi, j’en oublie mes bonnes manières. Alexia Van Sorhen, infirmière. Tu permets que je m’occupe de ça ?’

J’avais été légèrement brutale sur le coup. L’élève ne me connaissait certainement pas, mais lorsqu’il s’agit d’un blessé, je ne peux m’empêcher de regarder de plus près. Avec, ou sans autorisation d’ailleurs. Cela me passionnait. Non pas que j’adorais voir les gens souffrir, mais dès qu’une blessure entrait en jeu, il fallait que j’examine ça directement, sans passer par les étapes de présentations ou quoi que ce soit d’autres. Dans le cas présent, il était en état de pouvoir me répondre alors je n’allais pas agir sans son consentement.

Le jeune homme semblait réellement dans les vapes. Il marmonnait des mots par-ci, par-là avec une difficulté indescriptible. Il respirait fort, le sang continuait d’affluer sur son visage. Son nez défiguré criait au secours. Je cherchais toujours dans le sac. Il devait bien y avoir de quoi le soigner là-dedans. Une aiguille, des pansements, bandages, désinfectant et du fil. Il fallait recoudre. Une sensation pas des plus agréables. Je n’avais rien pour l’anesthésier, il fallait faire ça à froid. La douleur semblait l’avoir rendu complètement amorphe. Il ne sentirait certainement pas grand-chose tant son nez le faisait souffrir. Cela m’arrangeait légèrement, la tâche allait être moins compliquée. Le garçon se présentait comme étant Stanley Krieger, ou plus communément Stan. Même dans ses derniers efforts, il arrivait à me souffler son identité. J’en jugeais donc que ce n’était pas une chochotte et que malgré son visage endoloris, il était capable de résister et de répondre. Néanmoins, il fallait que je fasse vite. Son nez commençait à prendre une drôle de couleur. Cela virait carrément au violet. Le choc était assez puissant pour lui briser l’arête… Les soins que j’allais lui procurer ne seraient que superficiel. Il me fallait lui donner des médicaments pour atténuer la douleur et aider ses os à se ressouder plus facilement.

Je palpais délicatement l’arête brisé afin d’établir un diagnostic rapide. La blessure était profonde mais pas suffisamment pour lui redresser le nez. Je pouvais donc recoudre la blessure ouverte et colmater les vaisseaux intérieurs pour que le jeune homme arrête de saigner comme un torrent. Je pressais à quelques endroits afin de juger de la gravité de la blessure interne. Un voile apparaissait devant ses yeux vitreux. La douleur devait être insupportable pour qu’il soit dans un état pareil. Il fallait qu’il tienne bon jusqu’à ce que je puisse recoudre tout ça.

‘Très bien Stan. Tu vas sentir quelque chose de désagréable traverser l’arête de ton nez. Ca risque de brûler légèrement.’

Le fil était passé dans l’aiguille, il n’y avait plus qu’à laisser l’engin médical passer dans la chair du jeune homme. Je piquais en douceur pour éviter de le voir s’évanouir. Des gens commençaient à regarder la scène comme un spectacle. Je leur ordonnais de déguerpir rapidement. J’avais besoin d’espace, de concentration et surtout, Stanley n’était pas une bête de foire. Certes, j’aurais préféré faire ça tranquillement à l’infirmerie mais il n’aurait jamais pu rejoindre mon sanctuaire dans son état sans aide. Le fil passait sans problème à travers l’épiderme de l’élève. Cela avançait petit à petit, je surveillais les alentours au cas où Roket avait retrouvé Elektra. Et si jamais ils ne revenaient pas, je devrai aider Stan à retourner à l’infirmerie pour lui filer des médicaments… A chaque avancée du fil, je passais un peu de désinfectant, histoire d’enlever les bactéries qui auraient pu s’infiltrer au moment du choc. Je ne savais toujours pas comment il avait pu se mettre dans un état pareil et j’espérais sincèrement que ce n’était qu’une chute. Je fixais ses yeux, il n’était toujours pas évanoui.

‘J’arrive au bout. Je vais te panser le nez complètement, tu vas devoir apprendre à ne pas t’en servir pendant un moment.’

Le fil semblait être passé au complet, je n’avais plus qu’à le boucler et à mettre un bandage propre et net. J’essuyais son visage avec un peu d’eau contenu dans une bouteille afin qu’il reprenne tranquillement ses esprits, mais surtout pour effacer les traces de sa blessure. Les vaisseaux internes qui étaient endommagés se soigneraient certainement tout seul. Je ne pouvais pas entamer une opération plus profonde sur un simple banc, et surtout dans un endroit non-stérile. J’enlevais les gants en plastique que j’avais mis avant d’entamer les soins et les balançais au fond du sac. Je voyais Roket qui revenait au loin accompagné de ma très chère Elektra. Parfait. La bande était au complet, nous pourrons alors rejoindre mon bureau afin que je lui passe les médicaments. Mais avant ça, j’avais besoin d’en savoir un peu plus et il fallait qu’il reprenne bien conscience avant de pouvoir bouger.

‘Voilà qui est fait, Stan. Je vais te laisser récupérer un peu ici au frais avant d’aller à l’infirmerie pour te prescrire quelques médicaments, n’hésite pas si tu as besoin de quoique ce soit. Par contre, j’aimerais bien savoir comment ton nez s’est retrouvé dans cet état si tu n’y vois pas d’inconvénients.’

Hrp:

Le jeune homme semblait reprendre ses esprits plus rapidement que je ne l’espérais. Il avait même réussi à m’adresser la parole, me soufflant un léger merci pour le service que je venais de lui rendre. J’avais envie de lui répondre que c’était mon travail, mais cela ne servait à rien puisqu’il le savait déjà. Et d’ailleurs, heureusement que je passais par là sinon, qui sait ce qu’il serait devenu ? Quelqu’un l’aurait-il aidé ? Emmené à l’infirmerie ? Ou tout simplement laissé là, à souffrir le martyr en le regardant se vider de son hémoglobine. Les gens n’étaient pas tous des Bisounours et Idryss sait qu’il n’a pas laissé que les bons sur cette Terre. Stanley se redressait devant moi, il semblait stable et apaisé d’un fardeau. Désormais, il fallait m’expliquer pourquoi son nez s’était transformé en un tas d’os brisé. Tranquillement, le jeune homme laissa son explication vagabonder jusqu’à mes oreilles. Apparemment, il s’était ‘seulement’ battu avec un élève. Ce qui voulait dire qu’un autre était peut-être dans le même état. Mais sur le coup, je ne pensais qu’à celui qui se trouvait à mes côtés en me disant que si son adversaire avait quelque chose de brisé, il ne serait certainement pas loin. Or, il n’y avait personne aux alentours qui semblait avoir besoin de quelconques soins.

‘Es-tu le seul à être aussi amoché ? Je ne vais pas te sermonner de t’être battu avec un autre, ce n’est absolument pas mon rôle… Mais comment en êtes-vous arrivés là ? Parce que cela n’a pas dû être une simple bagarre. Ton nez en est la preuve concrète, et crois-moi, je sais de quoi je parle !’

J’espérais lui faire cracher le morceau, je voulais connaître l’histoire. Une simple bagarre ne finissait pas en effusion de sang. Un bon règlement de compte, oui. Ou alors, les deux avaient un sacré caractère. Il fallait aussi que j’attrape celui qui avait pu le mettre dans cet état. Ou alors que j’en parle au Directeur. Le problème est qu’il faut être deux pour déclencher un combat, et qu’alors chacune est responsable de ses actes. Stanley aurait des problèmes. Je n’étais pas assez cruelle pour lui infliger un supplice supplémentaire. Le jeune homme venait de supporter une opération rapide et douloureuse, pourquoi lui mettre des problèmes sur le dos en plus ? Il n’y avait qu’un seul moyen pour qu’il s’en sorte sans aucun souci : trouver son adversaire et juger de son état. S’il n’avait pas une blessure aussi violente que celle de l’élève que je venais de soigner, alors Stan pourrait s’en sortir en se faisant passer pour la victime. Bon, ok. C’était une magouille foireuse, mais est-ce que ça ne valait pas le coup d’essayer ? Qui me dit que l’autre n’est pas une brute assoiffée de sang et qu’il ne recommencera pas avec quelqu’un d’autre ?

‘Il va falloir retrouver celui qui t’as fais ça, certainement pas pour ton plus grand plaisir. Le but étant de le faire passer pour la brute, et toi le bon. Mais avant, retournons à l’infirmerie afin que je te file deux ou trois médicaments. Tu devras en prendre selon la puissance de la douleur. Ne dépasse pas trois cachets par jour, à moins que tu ne souhaites me revoir rapidement !’

Une fois les médicaments en sa possession, prescris pour un peu moins de deux semaines, nous irions certainement chercher la brute. A moins que Stanley ne préfère se charger de cela tout seul, et je le comprendrai. Cependant, la prochaine fois qu’il tombe sur son adversaire, il se pourrait que ce soit autre chose que son nez qui soit brisé !

Stanley ne semblait pas enthousiaste à l’idée d’aller chercher l’enflure qui l’avait mit dans cet état. Apparemment, l’autre s’en était mieux sorti que lui et c’est pourquoi je n’allais pas m’évertuer à fouiner partout afin de le trouver. Autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Et puis, les histoires des élèves n’étaient pas non plus ma principale préoccupation. Je devais juste préserver leur santé. N’ayant pas le courage de m’en occuper, j’allais laisser cette histoire prendre la poussière et éviter d’en parler autour de moi. Je ne voulais pas causer de problème à ce jeune homme, ce n’était pas mon genre. Mais si jamais il repasse entre mes mains afin de se faire soigner une blessure liée à une bagarre… Ma réaction serait tout autre. En attendant, j’allais le laisser tranquille. Il semblait préoccupé par sa blessure. Chose que je comprenais tout à fait. Les médicaments que je lui avais donnés allaient réduire sa douleur d’une manière considérable pendant un certain temps. Le seul problème avec ceux-ci, c’est que lorsqu’ils ne font plus effet, la douleur vous revient comme un boomerang dans la tronche. Et là, la douleur est plus sévère puisqu’on avait oublié à quel point nous avions mal avant de prendre ces cachets.

Je lui avais donné les précautions à prendre en cas de contact avec ces cachetons puisqu’ils ont tendances à vous rendre dépendant. Ils soulagent tellement bien que lorsque la douleur revient, vous n’avez envie que d’une seule et unique chose : l’oublier à nouveau. Et c’est le seul bémol que je pourrais donner à ces fabuleux médicaments. L’overdose est assez vite arrivée alors j’espérais qu’il n’oubliait pas mes conseils et que ça ne serait pas trop compliqué à gérer. Mais j’étais présente si jamais il avait des problèmes avec les antidouleurs. Roket semblait s’impatienter, il tapotait de la patte au sol en croisant les bras. Cela me faisait bien comprendre qu’il serait peut-être temps d’y aller. Mais ce n’est pas lui qui décide ! S’il n’était pas content, il connaissait la route du retour ! Nous nous dirigions vers l’infirmerie afin que j’aille chercher les médicaments pour le jeune homme qui semblait encore endoloris. Fouillant dans une armoire hermétique, je piochais dans un sac pour trouver un petit flacon blanc au bouchon polygonal. Je refermais le tout et m’approcha de Stan.

‘Voilà pour toi. N’oublies surtout pas ma consigne, c’est très important. Ces médicaments peuvent te rendre complètement dépendant, et c’est réellement dangereux. Si tu sens que tu ne peux tenir la pression, revient me voir et je trouverai autre chose à te prescrire. Pour l’instant, je suis obligée de te filer ça pour que ta douleur s’estompe rapidement.’

Maintenant, j’allais certainement le laisser vaquer à ses occupations personnelles mais je le surveillerai de très près. De toute façon, il faudra faire des visites régulières afin de vérifier la bonne guérison de son nez. Les fils devront être retirés de son nez, et cela sera beaucoup moins désagréable et bien plus rapide que de les mettre.

‘Oh, avant de terminer. Il faudra venir me voir pour enlever les sutures que je t’ai faites afin de libérer ton nez. Je dirais… dans une quinzaine de jours. Sinon, je vais faire l’impasse sur ce que j’ai vu et entendu aujourd’hui. La prochaine fois que tu croises ou que tu tombes sur le casseur-de-nez, ne lui rentre pas dedans. Je ne pourrai pas fermer les yeux une seconde fois.’

Je n’étais pas une marâtre mais lorsque les querelles se transforment en combat plusieurs fois de suite, je ne peux pas laisser ça comme ça. Bien sûr, Stan n’a rien à craindre puisqu’apparemment, je peux le considérer plutôt comme une victime même s’il a frappé son adversaire. Dans le cas où cela recommencerait, ce n’est pas lui qui aurait le plus de problèmes. Mais ça, ce n’est que mon avis !

Hrp: