Tu te fais chier. Chier, chier, chier.
Y'a pas d'autres mots, pas d'alternatives. T'es allongé sur ton lit, les jambes étendues à la verticale contre le mur de ta chambre et ta seule occupation se résume à lancer une balle en caoutchouc contre celui-ci. Iago est introuvable, t'as usé tout ton stock de connerie à expérimenter et visiblement Mysterion est porté disparu. Tu supposes qu'il doit dormir, caché dans ce bordel monstrueux qu'est ta chambre. La balle atterrit sur ta tête, te dissuadant de continuer à la maltraiter contre la paroi. Tu pestes en te frottant le front, envoyant le fruit de toute une occupation à l'autre bout de la pièce.

« La con de toi, balle de merde, je vais t'éclater la gueule si tu recommences ce genre de truc. »

Aaaaaaaaaaah.
Tu t'étires avant de quitter cette position plutôt inconfortable. Chose faite, tes mains se glissent dans les poches de ton pantalon puis celles de ta veste. Nouvelle déception, tu n'as rien à t'injecter dans les veines pour t'amuser un peu et faire passer le temps plus vite. On va devoir faire avec les moyens du bord. Tu lorgnes sur les comics étalés aux pieds de ton lit, en choppe un et le feuillette sans grand intérêt. Déjà lu, relu, rerelu et rererelu. Mais ça a le mérite de t'écarter un peu de la réalité, te replongeant un instant dans tes rêves d'enfant. Tu te souviens clairement de ton désir d'être comme l'un de ses êtres surhumains, une cape flottant dans le vent comme une traînée d'étoile filante derrière toi. Tu jouais parfois dans la cour arrière de ton jardin, faisant mine de lancer des éclairs depuis la paume de tes mains ou encore des lasers radioactifs de tes grands yeux bleus. C'était ouf, le pied. Tu t'y croyais vraiment mais conscient que c'était pour de faux. Puis les pokemon sont arrivés dans ta vie, s'appropriant ce fanatisme et cette adoration toute particulière que tu t'étais juré autrefois de ne vouer qu'aux super-héros. Et surtout, Mysterion est rentré dans ta vie.
L'ombre d'un souvenir, l'esquisse d'un sourire.

Un bruit te sort la tête des nuages et tu tournes la tête vers la porte d'entrée alors qu'une voix assez forte mais qui se veut comique s'élève suffisamment pour traverser la couche de bois de ton antre.

« Elle est où la poulette? »

Qu'est-ce que...
Tu quittes ton matelas pour te lever, entrouvrant ensuite la porte. Czara. Tes préoccupations s'envolent, tes lèvres s'étirent davantage alors que d'un geste protecteur, tu l'attrapes pour la tirer dans ta chambre, lançant au préalable un regard d'avertissement à l'auteur de cette gentille provocation.

Tu l'invites à faire comme chez elle, à s'asseoir si elle le souhaite. Elle a l'habitude de toute façon, elle sait comment ça marche maintenant. Tu fouilles un instant dans un sac avant de lui lancer une sorte de gâteau fourré encore dans son emballage.

« Yo. Qu'est-ce qui t'amène ici ma grande ? »

À peine ta phrase achevée, tu entends un grand bruit et, au fond de ta chambre, un tas de vêtements et divers objets se met brusquement à s'envoler et s'éparpiller. Mysterion apparaît alors dans un cri surréaliste de joie, se jetant sur la fillette, la langue pendante.
… Il était là-dessous, depuis le début.
Pire qu'un chien c'truc. Et aussi fou que cela puisse paraître et malgré la nature de petit spectre qui se veut timide, il s'est rapidement fait à la présence régulière de la jeune fille, se montrant même carrément affectueux avec elle.
… Presque plus qu'avec toi. Saleté.

« Bouge Mysterion, laisse la demoiselle s'installer tranquille. Non, tch, casse toi, on ne se frotte pas à une fille. Pervers, qui t'a appris à te tenir comme ça ? »

Le regard presque accusateur du pokemon à ton égard a au moins le mérite de te faire taire et de te vexer un peu, laissant Czara parler à son tour. Tu te tournes donc, tout attentif, vers elle, l'interrogeant de ton regard bleuté.