01/05” Les cours de ce jour avaient été particulièrement…. Longs ? Tu trouves ce mot gentillet, un peu léger comparé à l’ennui mortel que tu avais pu ressentir pendant ces quelques interminables heures de ce qu’on appelle pour le jargon enseignant un apprentissage. Tes pokémons sont certainement du même avis, vu leurs têtes. Ils trainent à côté de toi tandis que tu te diriges vers le quartier général des bleus, au 3e étage du bâtiment.
T’as ton casque sur les oreilles, musique assourdissante à fond, avec l'espoir un peu vain de te faire oublier cette matinée passable. Jusqu’au petit-déjeuner. De quoi avoir le moral à plat. Mais ça t’empêche pas de sourire en voyant ton pauvre tylton traînant son petit corps sur les marches, par pure flemme de secouer ses ailes cotonneuses. Tu le ramasses pour le caler entre tes bras, faisant de même pour Drogo qui commençait à grogner de mécontentement. Jaloux de merde, celui-là.
Le programme ? Il est onze heures, t’as donc un peu de ton temps pour une douche. Ensuite ce sera direction le self pour se remplir l’estomac jusqu’à t’en faire péter le bide. T’as déjà en vue un beau gueuleton, de quoi rentabiliser la petite fortune que t’écoules chaque trimestre pour la cantoche. Vu ton bon petit coup de fourchette, tu t’étonnes que les prix n’aient pas encore augmenté d’ailleurs. T’hausses les épaules, tant mieux si ça bouge pas remarque. Ça te fait un plus gros budget pour tes dépenses annexes.

Arrivé devant la porte, en un ultime effort que constituait la dernière marche, tu te surprends de remarquer quelques petits changements sur la plaque ornant l’entrée de ton « petit chez toi ». Un nom en plus du tien et de celui d’Oly. Un certain Seth Leeroy. Quelqu’un de normalement constitué  aurait surement tiré la gueule, déçu de voir que son espace vital serait réduit par l’arrivée d’un nouveau colocataire. Mais toi non, t’es content. En grand philanthrope, t’essayes déjà de mettre un visage sur ce nom-là, imaginant un type sympathique, un peu costaud mais pas trop, avec un penchant pour le martini-vodka. Allez savoir pourquoi, c’est ce qui te vient à l’esprit.
Quoi qu’il en soit, tu te fais pas prier pour faire comme chez toi –ce qui n’est pas entièrement faux-, ne prenant la peine ni de toquer ni de signaler ta présence avant de faire irruption à l’intérieur de la large chambre occupée désormais par trois personnes –bientôt 4, coucou Nicklas-.
La première chose que tu remarques, et pas la moindre, n’est rien d’autre qu’une belle valise vraisemblablement bien garnie, accompagnée de quelques sacs tous aussi bien remplis. Tu tournes ensuite la tête vers l’un des lits libres, un l’étant toujours et l’autre étant occupé par… Un type un poil plus costaud, vieux et grand que ce que t’avait imaginé, avec une tignasse bleue par-dessus le marché. Un peu excentrique, non ? Pas pour toi. Tu trouves ça même plutôt cool.

Evidemment, avec toute ta maladresse, tu ne remarques pas qu’il pique une somme le grand garçon. Ni même qu’il a laissé ses fringues traînées –pourtant ça se voit comme le nez au milieu de la figure-. Tu te poses devant avec un grand sourire, toutes dents dehors, avant de pousser un très bruyant :

▬ HEY ! T’es le nouveau ?

Pour le savoir vivre, on repassera. C’est sûr….

© charney

01/05”

▬ ON NOUS ATTAQUEEEEEEEEEEE !!!

L’inconnu se lève d’un bond, hurle plus fort que toi encore. Tu sursautes un peu sur le coup, prends un pas de recul pour t’offrir une confortable distance de sécurité. Dans la panique le malheureux trébuche sur ses affaires et s’étale de tout son long par terre, tête la première. Ca a du faire mal…
Tu le fixes, perplexe, si ce n’est inquiet. Mais quand il se relève, c’est un soupir de soulagement que tu échappes avant de rigoler de bon cœur.

▬ Oh putain ça va j’espère haha.

T’en es pas au point de te tordre le ventre mais c’était drôle. Quoi ? C’est drôle un mec qui se ramasse après avoir cru qu’il se faisait attaquer. Sourire colgate sur les lèvres –à croire que les gens vont t’en faire un sobriquet-, tu t’interroges quand même sur la belle marque rouge que le jeune homme a sur le visage. Ca ne restera pas, mais ça témoigne quand même de la violence de la chute. Enfin.
T’as pas le temps de t’inquiéter davantage, ni de rigoler comme un idiot. Il se redresse et plaque ses lèvres sur les siennes. Un baiser volé que tu n’as pas vu venir, clairement pas. Tu n’as pas l’habitude qu’on te salut de la sorte. Mais bizarrement, ça te choque pas. C’est inédit mais tu ne t’offusques pas comme l’aurait fait une bonne majorité de personnes. Tu te contentes de tirer une tête un peu étonnée avant de te remettre à rigoler. Ton vis-à-vis semble aussi enjoué que toi, en tout cas.

▬ SALUT ! Ouais ! J'suis le nouveau colocataire. Je m'appelle Seth et toi m'sieur au sourire colgate, quel est ton joli prénom ?

Un sobriquet, oui. Tu t’apprêtes à ouvrir la bouche pour répondre –et au passage l’interroger sur ses drôles de coutumes qui t’intrigue plus qu’elle ne te choque- mais tu sens quelque chose… Dans tes cheveux… Et lorsque tu lèves la tête, tu constates qu’un sonistrelle les trouve à son goût. Littéralement.

▬ Bloody, on ne mange pas les cheveux des potes.

Il le/la gronde, l’attrape avant qu’elle/il ne fasse davantage de dégâts. Enfin. Quels dégâts me direz-vous ? Tes cheveux c’est déjà un savant désordre.

▬ Et bah, vous avez le mérite d’être amicaux vous deux. Ah, et moi c’est Czeslaw. Enchanté.

Tu prononces ton prénom distinctement, habitué que les gens l’écorchent de milles et une prononciations différentes. On dit tchéslav, tché-sla-v, mais t’auras beau le rabâcher, il y en aura toujours un pour se gourer.
Tu ne vois pas l’utilité de lui tendre la main, la glace a déjà été largement brisée par l’initiative du dénommé Seth. D’ailleurs, en parlant de ça…

▬ Original comme façon de dire bonjour, d’ailleurs. D’habitude on me fait la bise.

Et tu te remets à rire, en mode rayon de soleil toujours de bonne humeur. T’es bien content en tout cas, ta première impression sur ton colocataire est plus que positive. Tu le sens bien.

© charney

01/05”

▬ Enchantée ! Ah ? Bloody et moi on est du genre naturel.

Curieuse rencontre comme on connait si peu. Bwah, t’aimes bien toi quand c’est original, quand ça part un peu dans tous les sens (cf, tes cheveux) donc t’es pas déçu par ce premier approche. Un type entrain de lézarder sur un pieu qui te dit bonjour en t’embrassant, le tout presque nu (c’est vrai, il n’a pas égaré son boxer). Et toi ça te choque pas, ça te fait marrer.
Quelle belle brochette de guignols ! D’ailleurs, en parlant de ce baiser qui a tout de même réussi à te surprendre, il finit par éclairer ta lanterne.

▬ C'est ma petite tradition, tout le monde y passe. S'en est devenu une habitude, puis un bisou ce n'est pas grand-chose.

Un aaaaah silencieux t’échappe tandis que tu hoches la tête en signe de compréhension. Chacun ses habitudes, tu respectes toi. T’es carrément pour, même. Hey, faut savoir se démarquer ! Il y en a c’est  radiation, le nucléaire, le tripe super-héros tout ça. Et pour d’autres, certaines dans ce cas, ça se résume à mettre une jupe ras-la-moule. Long débat, très long débat, on va s’arrêter là.

▬ Mon cerveau n'a pas tout capté, on est dans la même chambre tous les deux ?

Tiens, t’en as oublié ce détail, tant t’étais un peu absorbé par la contemplation de ses ab… TES PIEDS. On va dire tes pieds. Wow, quelle superbe paire de doc martens. Quelles sont confortables ! Que c’est gênant…

▬ Ouais, fin’ si tu crèches ici et que je crèche ici…

Qui conduit ? (ok maggle) Vous créchez tous les deux ici. La base. Elémentaire. Merci Captain Obvious. Mais pour deux lumières comme vous, c’est parfois utile de préciser. Histoire d’être sûr qu’il n’y ait pas de confusion.

▬ Je te préviens sourire colgate. Souvent je me fous à poil ou en boxer dans la chambre, je suis à l'aise comme ça.

Ahahaha. S’il savait. Tu te mets à pouffer de rire, dans ton coin, t’amusant tout seul d’une constatation personnelle. Pauvre petite Oly (pauvre petit Nicklas), la voilà avec deux exhibitionnistes nés entre les mains. Deux bordéliques aussi. La cohabitation s’annonce riche en rebondissements. Épicé même, à la manière d’un curry qui vous arrache bien la gueule. La galanterie est morte avec le respect.

▬ Ça tombe bien, on sera deux à déambuler à poil ici. Autant se sentir comme chez soi, merde !

Tu t’exclames avant d’ajouter, une petite pensée pour votre pauvre colocataire :

▬ Cette pauvre Oly, j’ai mal pour elle.

© charney

01/05” C’est un sourire large comme un quartier d’orange qui lui fend sa poire, estompant ses traits sévères sous des plus joviales. Tu te laisses prendre à ce jeu, tu souris aussi. Tu l’as toujours ton sourire, c’est un peu un trésor, ton trésor que tu partages en l’affichant aux yeux du beau monde. C’est pas ta faute, t’as toujours le sourire aux lèvres.
Mais vu les circonstances, t’as toute les raisons d'être sous ton jour le plus solaire. Helios dans son manteau terrien, prêt à illuminer une journée du commun du mortel. Dans ce cas présent, c’est Seth qui a illuminé ta journée. Quel meilleur moyen d’ensoleiller une journée que d’ajouter une nouveauté, une bonne nouveauté ? Un nouvel ami, une rencontre vivifiante. Tu ne pouvais pas demander mieux.
Il se montre déjà tactile (en omettant l’épisode du baiser, déjà poussé dans cette case nommée archives dans ton cerveau), te tapote amicalement l’épaule. Vous vous ressemblez, décidément. Un même déni des responsabilités et des bonnes mœurs propres à notre société. Votre seule différence demeure l’âge. Petit bonhomme, toi tu peux encore te permettre refuser le monde adulte avec autant d’acharnement.

▬ On va bien s'amuser mon pote !

Mon pote. Les grands mots pour les grands amis. Tu lui souris chaudement, approuvant silencieusement ses paroles grâce à ton air enjoué. Pas besoin du moindre mot parfois, justes d’un regard pour approuver une affirmation. Oh oui, on va bien s’amuser.
Mais cette pauvre Oly. Oh malheureuse demoiselle, dans quelle guêpier ne l’a-t-on pas mis en lui assignant deux pareilles goujats ? Deux calamités irresponsables aux mains d’une jeune demoiselle qui ne saura sans doute comment les gérer. On lui souhaite bien du courage.

▬ C'est qui Oly ? Ton pokémon ?

Tu étouffes un rire. Pauvre, pauvre Oly. Tu ne sais pas. Tu dois plaindre Oly ou l’envier d’avoir deux enfants comme vous ? Vous êtes géniaux. Mais les choses peuvent se présenter dans un angle cauchemardesque quand le quotidien entre dans l’équation.

▬ Oly c’est notre autre coloc’. Son lit est là.

Tu pointes le petit ilot du doigt, propre et soigneusement rangé à côté d'une immondice où tu dors, surplombé d’un tas informe ; vêtements, livres et feuilles volantes, froissées et noircies à l’encre noir.
Le lit appartenant à Seth, lui, est encore en état. Défait par son utilisation précédente, mais foncièrement aussi clean que le lit vacant, futurement destiné à un certain Nicklas (encore un homme à plaindre). L’ainé s’en approche, s’affale, que dis-je saute dessus et s’écrase comme un poids mort sur le matelas. Un craquement sonore se fait entendre, au moment où le postérieur d'un certain homme s’affaisse. A défaut d'avoir les côtes brisées, les lattes semblent avoir subi un sort des plus funestes.

▬ ET MERDE ! J'AI CASSE MON LIT !

Tu te tapes le front avec ta paume, rigoles sans nécessairement te moquer avant d'approcher pour l’aider à se relever, un peu inquiet pour le sort du malheureux qui a certainement dû se coincer l’arrière-train. Tu le devines, en tout cas, à son air surpris.

▬ Ça va... ?

Tu lui propose ton aide. Une belle équipe, une bien belle équipe nous avons-là.

▬ Tu t’es pas fait mal au moins ?

© charney