Spy catcher ▬ Lumière, projecteurs ! Le décor est en place, il s’agit d’une scène de crime ! Le public s’exclame de stupeur.
Il s’agit d’un couloir, un couloir désert, un long couloir avec des fenêtres, des portes, et une grande étagère qui obstrue le passage. Il y a des affiches dans ce couloir, des affiches de prévention, des notes d’informations et même la photo d’un couafarel.
Mais ce qui intéresse le spectateur, c’est le crime ! Et le voici, le rapt d’un domicile, d’un foyer chaleureux, au nez et à la barbe de son propriétaire. L’infâme criminelle, une femme à la surprise générale, se saisit du carton de ses doigts de diablesse et l’analyse d’un œil inquisiteur.

▬ Comme si j’avais une tête de criminelle.

Elle soupire, l’air contrit, tenant toujours d’une solide prise sa proie, ce pauvre carton qui pleure sa liberté passée. Mais que va-t-il se passer ? La justice ne triomphera donc jamais ?! Le crime restera éternellement impuni, à ces heures sombres baignées de chagrin et de larmes. La veuve et l’orphelin craignent pour leurs vies et des cartons innocents sont enlevés en pleine journée, sans que personne ne puisse rien y faire, sans qu’un courageux ne se lève et proteste contre l’infamie qui a dévoré ce monde jusqu’à la moelle. Damnée sois-tu !

▬ Aaah mais ferme-la. C’est qu’un pauvre carton, On va faire une bonne action et le mettre dans une poubelle. Le recyclage, c’est là où il doit aller.

Elle se dirige à pas de loup vers l’arme du crime ; une poubelle. Elle s’apprête à assassiner la victime froidement, la désarticulant avant d’abréger ses souffrances. Elle le plie, de sorte à ce qu’il passe dans le bac, poisseux et nauséabond, avant de le jeter à l’intérieur tout en se frottant les mains.

▬ Une bonne chose de faite. –et pas un crime, tu divagues complètement toi-.

Spy catcher ▬ Voilà la deuxième scène, après une exposition riche en révélations ! Le public s’agrippe à son siège, la tension est à son comble, que va-t-il se passer ? Pas de temps pour un entracte, l’action ne fait que commencer.
Voilà qu’un nouveau protagoniste arrive, tout espoir n’est donc pas perdu pour messire carton, aux affres de la mort et du désespoir. Son bourreau tente de le déchirer pour le faire passer mais pour le moment, rien à faire, il refuse de passer dans la poubelle à laquelle elle le destine.

▬ Comme si ce carton souffrait…

Souffle-t-elle, ses traits lisses se rapprochant à ce que l’on appelle communément une pokerface.

Notre nouveau personnage, armé de nourriture, apparait alors sur la scène, accompagné de deux vaillants compagnons. Il surprend le carnage, en lâche même son « attirail » de stupeur face à une telle sauvagerie, une telle brutalité. Elle, elle ne le voit pas, il est encore temps pour sauver le malheureux.

Dans un hurlement désespéré, notre héros se jette sur notre antagoniste, une rage et une conviction certaine dans sa course effrénée.

▬ NOOOOOOOOOOOOOOOON !

Elle se retourne et s’écrit, en voyant l’homme courir dans sa direction –curieusement vêtu-.

▬ WHAT THE FUCK ?!

Il lui mord le bras, la forçant à se débattre avec une combativité certaine. Rien ne semble arrêter cette diablesse qui, dans toute sa cruauté, n’hésite pas à se défendre avec les restes de messire carton, en frappant l’habilement déguisé héros de toute sa force ; tant et si bien qu’il finit par lâcher prise pour rassembler les restes de son ami, son foyer, son plus fidèle son compagnon.

▬ Bourgoi dant de haide ? J'ai 'ien vait de bal bourtant...

Elle ne comprend pas un traitre mot de ce qu’il raconte, le regarde d’un air partagé. Notre héros va-t-il être une nouvelle de ses victimes ?!
Elle se penche pour le regarder rassembler désespérément ses bouts de carton, tandis qu’il la fixe d’un air désemparé.

▬ Attends.

Déclare-t-elle simplement avant de lui mettre une baffe d’une force « raisonnable ».

▬ Ça, c’était pour mon bras. Maintenant, qu’est-ce qu’il se passe mon chou? Faut pas pleurer, ta maman serait très triste de te voir pleurer –je suppose-.

Petite voix arrête son speech, un scenar’ à te donner mal au crâne. Elle ferme sa gueule –joie-, te permettant d’avoir une meilleure introspective de la scène. En même temps, se concentrer est un exercice épineux lorsqu’on vous bourre le crâne de stipulations et délires sans queue ni tête.
Tu regardes autour de toi, fronces les sourcils –signe de ta concentration-. On croirait à un champ de bataille, la guerre de Troie reconstituée avec des petits boues de carton, un air de révolution française où chaque morceau déchiré serait une tête de noble à foutre au bout d’une pique. Ton « compagnon » joue le rôle de la veuve en deuil, toi t’es la garce qui a butté son enfant. Ça ressemble à rien, dit comme ça, c’est sûr.

Tu le fixes, perplexe, glissant une mèche derrière ton oreille pour dégager ton visage, mieux le voir, mieux comprendre. Tu as beau supplié petite voix, elle refuse de te donner le fin mot de l’histoire. Pourquoi ce carton d’abord ?

▬ Comment ne pas pleurer après ce que vous venez de faire ?

La voix accusatrice te sort de tes pensées ; bienvenue au tribunal. Le banc des accusés te tend les bras, tu y sièges mal à l’aise, trépignant sur place, attendant le chef d’accusation. Tu te sais innocente, voyons. Tu n’as tué personne.

▬ Vous avez détruit ma maison. Je vais porter plainte.

Maison. Tu échappes sans réfléchir un bruit de stupeur.

▬ Hein ?

Je te l’avais dit, petite voix souligne avant de se terrer de nouveau dans le mutisme. Tu soupires, qu’elle se taise une fois pour toute.

▬ Quelle maison, j’vois pas maison ici ? Sauf si….. Ah merde.

Tu tombes des nus, fixes le carton comme s’il s’agissait du saint Graal –difficile à en croire ses yeux, oui-. Et voilà qu’il rajoute.

▬ Allez me chercher de la colle. Nous en avons pour la journée.

Autant en récupérer un nouveau. Tu ramasses un bout avec ton doigt, le tien devant toi comme s’il s’agissait d’une loque répugnante. Erk, il compte vraiment rabibocher ce truc ?

▬ Tu veux pas plutôt en trouver un nouveau ? Ou louer une chambre ? Faire comme tout le monde. Ça m’a pas l’air top confort ton affaire.

Tu reposes le bout de carton délicatement. Autant se rendre à l’évidence, tu ne voyais pas en quoi deux points de colle allaient changer quoi que ce soit.

▬ Autant y reconstruire avec une ficelle et du crachat, elle est morte ta cabane.

Sérieux, il t'a pris pour Mcgyver ou quoi ?

Tu es dubitative, tant face à l’étrangeté de la situation –admettons-le, vous ne verrez pas tous les jours des hommes pleurant le sort de vulgaires cartons- que face au comportement du personnage face à toi. Cette personne –qui ne semblait en rien à un élève à tes yeux- semble prendre cette affaire très au sérieux. Il te fait presque paniquer, à vouloir te trainer devant la justice –tout ça pour avoir voulu débarrasser le couloir d’un carton encombrant-.
Brillant ma chérie, brillant. Petite voix ricane.

▬ Avez-vous peur de vous froisser un ongle en faisant un peu de bricolage ? Je n'avais pas pris d'assurance contre les intempéries en plus... Je ne savais pas qu'il existait une sœur à l'Ouragan Bruyverne....Mais parfait. Emmenez-moi donc là où il y a d'autres cartons, ça me permettra de mettre à jour ma décoration intérieure.

Tu fixes tes ongles en haussant un sourcil, les observant perplexe. Ils sont tous rongés, tu ne vois pas vraiment comment tu pourrais te les froisser… Enfin. Tu hausses les épaules.

▬ Et à part râler, vous savez faire quoi mon bon mo’…

Tu es interrompue soudainement par une main t’agrippant la manche. L’inconnu, dans un élan d’audace sans doute, te traine jusqu’à lui, effaçant tout simulacre de distance entre vous.
Oh, that’s awkward. Petite voix lâche dans un profond de moment de gêne.
Toi, tu le fixes avec le regard le plus noir possible, pas sur d’apprécier le feu venu te monter aux joues.

▬ Donne-moi mon fric. Dédommagement, tu comprends ?

Pour toute réponse, tu le repousses brusquement. Presque par reflexe. Trop proche.

▬ Bas les pattes. Je te vois venir toi, le payement en nature tu sais où tu peux te le carrer.

Tu hausses la voix avant de reporter ton attention sur le carton.

▬ C’est une stratégie de pervers c’est ça ? Faire croire à la première conne venue qu’il faut un dédommagement pour du carton. Et puis qu’est-ce que tu fais ici d’abord ? T’as ni la dégaine d’un élève ni celle d’un prof ?