Le froid s'insinue sous ta peau, brûle ton sang et laisse ta chair à vif. C'est comme si des aiguilles gelées te perçaient de toute part, laissant une marque ardente de givre sur ton épiderme, paralysant tout ton être. Dans les grands plateaux des montagnes enneigées, tu te tiens toute tremblante Aleks. Tu sens la douleur mais celle-ci te réveille, t'ouvre les yeux sur ton environnement. Tu es étrange Aleksandra, tu dois bien être la seule qui se trouve grisée de cette sensation qui te prend à la gorge et ne te lâche jamais.

La vérité, c'est que ça te rappelle beaucoup Erethia, l'endroit où tu as grandi. Tu es née dans un hiver rigoureux, comme pour signifier ta future attirance pour la glace. Alors quand aujourd'hui, tu as décidé de vagabonder, ces monts se sont imposés comme une évidence avec leurs plateaux recouverts d'une épaisse couche de neige immaculée. Tu aimes le bruit de tes pas dans cette neige blanche, tu aimes sentir le sol s'affaisser sous ton poids, tu te sens vivante et épanouie. D'un geste machinal, tu cherches à sentir le contact de Fenrir à tes côtés mais ta main n'effleure que le vide.

Dans ta joie de ce climat, tu aurais presque oublié l'absence de Fenrir dormant tranquillement dans sa pokéball. Tu as horreur de le laisser dans cette bulle de solitude, mais ton caninos supporte difficilement le froid que tu aimes tant. Là où tes tremblements te rendent plus vive, les siens le dérangent particulièrement. Ses pas lents, son souffle court et son manque d'énergie te le font généralement comprendre alors tu as décidé de lui offrir un court instant de répit. Court, car tu avais bien l'intention de rentrer à l'académie avec un pokémon de type glace que tu affectionnes particulièrement.

Tu veux un pokémon au coeur givré et aux crocs glacés, tu veux agrandir ton équipe avec un pokémon que tu pourras aimer. Tu as toujours eu cette alchimie particulière avec la glace et elle t'attire au moins autant que les flammes brûlantes. Les opposés se disputent en toi mais jamais aucun vainqueur ne ressort : ils cohabitent, parfois harmonie, parfois désaccord. Mais ils sont toujours là, au fond de toi, plus ardents que jamais.

C'est frissonnante que tu aperçois au loin la silhouette d'un Soporifik se découper dans le brouillard. Tu pourrais presque entendre les sons étranges qu'il émet en continu, comme un chant hypnotique. Ton nez se plisse de dégoût, la simple horreur de la masse jaunâtre que représente ce pokémon t'inspire du mépris. D'instinct, tu ressers les doigts autour de tes bras comme pour te protéger de la potentielle menace que représente le Soporifik. Tes pieds reculent sur le vaste manteau neigeux et quand tu baisses les yeux pour regarder tes pas, tu admires le fort contraste entre tes souliers noirs et la blancheur immaculée du plateau.

Au fond de toi, tu te demandes comment il est possible d'être aussi pur, de ne pas être souillé par la saleté de ce monde. Même après Idryss, tu as toujours cette nette impression que le vice est enraciné trop profondément dans la nature humaine et que la moindre personne autour de toi porte un masque, dissimulant la perversité qui l'habite. Tu en serais la preuve même Aleksandra, toi qui te joues de tout et de tous.

Le cri du Soporifik devient de plus en plus distant, mais tu continues de marcher. Tu laisses tes empreintes éphémères dans ces montagnes, rappels de la dure réalité. Que tu n'es ici que pour un temps, que ce soit à fouler cette terre ou dans les mémoires. On oublie, Aleksandra, et on finira par t'oublier toi aussi. Tu es mélancolique, comme si trop de problèmes se bousculent à l'intérieur et menaces de déborder en un torrent de tristesse et pourtant, à ce moment-là Aleksandra, tu es d'un calme implacable. C'est une mélancolie douce, comme une berceuse inconnue qui t'habites, comme les réminiscences d'une joie passée énigmatique.

Alors, tu marches dans le froid, Aleksandra. De ta bouche s'évapore des nuages pleins de pensées et dans tes yeux brille une douce nostalgie.