The tree of knowledge

''Qu'est ce que vous retenez de vos premiers mois d'enseignement ?'', telle était la question que lui avait posé Miaouss un peu plus tôt ce matin au détour d'un couloir, alors qu'Oliver se rendait à la machine à café pour prendre de quoi se donner un petit coup de fouet. Était-ce le statut de professeur donnant une image d'homme responsable et érudit ? La possibilité de transmettre son savoir à une jeunesse ayant soif de connaissance sur le monde qui leur reste à explorer ? Ou peut-être était-ce la chance de faire partie d'une aventure humaine unique et qui inspirerait les générations futures ? Tant de perspectives réjouissantes et encourageantes aux yeux du pokémon chat et que le professeur de survie ne partageait absolument pas ! Depuis qu'il avait été recruté pour venir enseigner à Primepoc, le trentenaire n'avait pas caché une certaine déception au sujet de son emploi. Certes, le cadre de travail n'était pas des plus dégueulasses, les horaires des cours qu'il devait donner rendaient son emploi du temps relativement flexible et la bouffe des professeurs n'avait rien de déplaisante, surtout lorsqu'elle se constituait principalement des plats que l'homme volait aux profs de cuisine. Malgré les rumeurs courant à son sujet, Oliver avait d'ailleurs toujours la confiance relative de la direction et avait même été salué pour son efficacité, en dépit des réserves que certains de ses collègues avaient au sujet de ses méthodes...

Pourtant, il ne pouvait se féliciter à l'idée de donner des cours à l'académie ! A ses yeux, rien n'était plus ennuyeux et insipide que d'essayer de faire apprendre quoi que ce soit aux étudiants faisant partie de l'école. Quel honneur y avait-il à transmettre son héritage à une bande de gosses égocentriques, prétentieux et totalement désintéressés ? Il l'avait vu bien vite : nombreux étaient les élèves n'ayant que peu d'intérêt pour ce qu'on essayait de leur inculquer, voyant plutôt Primepoc comme une chance d'être peinard avec d'autres dresseurs du même âge, essayant de ne vivre que d'amour, de sexe et d'eau fraîche. Pour preuve : cela faisait seulement quelques semaines que l'année avait commencé et il pouvait déjà établir une liste des élèves préférant l'école buissonnière au suivi des cours ! Plus d'une fois, le professeur avait eu l'impression de gâcher son temps, à réprimander monsieur je-drague-pendant-les-cours-après-avoir-fait-le-rebelle ou à essayer de capter l'attention de mademoiselle je-dors-sur-la-table-ma-poitrine-opulente-débordant-de-mon-décolleté ! Et encore, cela était pour les ceux qui daignaient se lever avant midi pour participer à sa leçon : lorsqu'il était dans la salle commune des professeurs, il entendait parfois ses collègues citer des noms d'étudiants qu'il n'avait jamais croisé, même au cours d'introduction ! Non pas qu'il s'en plaignait mais il fallait avouer que cela donnait un coup à l'image de la ''jeunesse à la soif de connaissances'' ! Pour sa part, il y voyait bien plus une adolescence décadente plutôt qu'une génération prometteuse...

Bien sûr, il ne remettait pas seulement en cause le choix des personnes intégrant l'académie : lui aussi n'était pas réellement l'homme le plus investi dans sa tâche. Aigri, sadique, sarcastique et méprisant... Oliver n'avait pas le profil le plus adapté à la notion de professorat. Sa matière elle-même ne correspondait pas au format habituel des cours et s'il n'avait pas été convaincu par Miaouss de la nécessité d'un tel enseignement au sein de Primepoc et qu'on ne lui avait pas accordé certains privilèges pour la tenue des travaux de groupes, jamais il n'aurait intégré l'établissement. Encore aujourd'hui, il réfléchissait à la possibilité de repartir sur la route... Mais il ne le faisait pas parce qu'il existait quand même quelque chose qui plaisait au trentenaire ici : la possibilité de trouver la perle rare ! Ça et bien évidemment le fait d'être payé pour ne pas faire grand chose, ce qui l'arrangeait bien lui qui souhaitait se reposer un peu après une jeunesse passée à vivre au jour le jour et aux quatre coins d'Idryss...

Car s'il fallait bien distinguer une nuance dans la pensée d'Oliver, c'était bien le fait qu'il n'aimait pas enseigner mais aimait transmettre ! Transmettre son amour pour la nature, ses compétences particulières, sa façon de faire... Il ne voulait pas tant être le professeur qu’être le mentor ! Et quoi de mieux pour trouver l'apprenti idéal que d'aller là où la jeunesse se trouve ? Il voulait dénicher un potentiel à modeler à son image ou du moins, à l'image de son savoir... Et il avait déjà quelques pistes, dont une très prometteuse : Fox Laurie ! Jeune étudiante Minspic, c'était une jeune femme mature, intelligente, débrouillarde et impliquée : le parfait cocktail pour un mec borgne à la recherche de talent ! Ils s'étaient déjà abordés par le passé et avaient conclu une sorte d'accord : il lui offrait un enseignement digne de ce nom et elle serait une élève sérieuse et appliquée ! Tous deux avaient ce qu'ils voulaient et tout irait bien dans le meilleur des mondes !

Aujourd'hui, ils avaient d'ailleurs rendez-vous pendant la pause déjeuner dans les jardins entourant l'académie. C'était l'endroit parfait pour manger un sandwich par ce beau temps et le lieu idéal pour une rencontre un peu moins protocolaire. Il lui avait envoyé envoyé un sms pour fixer la date et l'heure de leur rencontre et avait précisé qu'il avait quelque chose pour elle. En échange, c'était elle qui devrait porter les sandwichs pour le repas d'aujourd'hui : s'il savait qu'elle n'aimait pas trop qu'on l'utilise pour de basses besognes comme s'occuper du manger, lui voyait ça comme un moyen de faire un échange équitable. Il était donc sorti pour aller s'installer sur un banc au beau milieu de ce petit coin de paradis fleuri, assis sur ce dernier les bras étendus sur le dossier. Derrière lui, un grand pommier lui offrait de l'ombre et un coin rafraîchissant. Il avait son habituelle chemise noire et son bandeau à l'oeil, fumant sa pipe japonaise en attendant que son rendez-vous se décide à se pointer : son ventre commençait à gargouiller après tout !