L'incorruptible Laurie Fox, ou Fox Laurie pour les intimes, à nouveau, n'avait pas fermé l’œil de la nuit, préférant user de son énergie décidément féroce et tenace dans la lecture d'un ouvrage sur le type Normal. Le livre, d'épaisseur moyenne pourtant, avait consommé des heures à l'étudiante ainsi que quelques neurones, probablement. Dans sa quête de savoir, la brunette ne s'était pas souciée de savoir si les pages qu'elle tournait, le claquement de sa tasse de thé sur sa table de chevet, à répétition, le frottement de sa mine anthracite sur le papier carrelé blanc avaient dérangé ses camarades colocataires endormis ─ ou ceux qui étaient sur le point de passer de l'autre côté. Comme à ses habitudes, elle comptait sur les concernés pour exploiter leurs capacités linguistiques s'ils souhaitaient faire part de quelconque problème, sinon … Tant pis. C'est ce côté extrêmement égoïste que l'on détestait chez la représentante verte. Ses allures de sans-gêne, son excentricité bancale qui ne se montrait qu'à certains moments. Bizarre. Les Minspic sont d'étranges créatures. Elle en fait partie.

A l'aube, désormais allongée sur un côté, l'élève qui parcourait les lignes de son bouquin, un bras passé sous un oreiller épais, jouait à un jeu de force contre ses paupières massives, presque indomptables. En tout cas, c'est le sentiment qu'elle en avait: des paupières qui ne lui appartenaient plus et qui cherchaient à gâcher sa précieuse lecture. Ses poignets également l'abandonnaient, sa nuque puis ses doigts. Il ne lui manquait plus qu'à se laisser aller dans les bras de Morphée; mais, à une telle heure, …?


De la même manière qu'elle les avait ignoré trois heures auparavant, les mâles Minspic de la chambre 001 n'avaient daigné secouer leur «sœur» de Maison hors du lit alors qu'ils sortaient tous de la salle. Le corps de Laurie, affalé sur son matelas, une jambe hors de sa couverture pastelle, faisait pourtant ─ vraiment ─ pitié. Il aurait même tiré la compassion des narines d'un tyran. Il semblait tellement las et mou. Si seulement les profondes inspirations et expirations émergentes de ses poumons ne se faisaient pas entendre, on aurait pu croire que Laurie ne vivait plus.

Heureusement, un pokémon vivait tout près de la tête rêveuse de la dresseuse. Il vivait protégé dans sa pokéball, habituellement endormie sur un coussin miniature, au-dessus du lit pastel, un peu comme si un roi l'occupait.
Le roi, c'est Tauros, ou Bielsk pour les intimes. Lui aussi fait partie de la Maison verte et apprécie tout autant que Fox ce que ce coin de l'académie apportait: du calme ainsi que des locaux de qualité impeccable. Les quatre-vingt-huit kilos de Bielsk ne l'autorisait cependant pas à dévaler de sa pokéball à l'intérieur des bâtiments. Mais, ce matin, il y avait urgence. Un cours de survie proposé par le professeur Grimm; mieux ne valait pas le manquer ou même arriver ne serait-ce qu'une minute en retard. On connaît tous les méthodes du Prof' Grimm, il Borgno. Des méthodes de borgne.
Des méthodes que Tauros ne voulait pas voir appliquées sur sa chère dresseuse, elle qui prenait soin de lui comme un réel ami depuis la première seconde, il lui devait tout. Il prit alors le risque de sortir de sa ball, extrait par une vibrante lumière rouge qui rapidement prit la forme de son imposante silhouette. Sur le sol de la chambre, un peu en bazar, il fallait l'avouer, Bielsk rempli ses poumons et poussa le beuglement qu'il n'avait jamais poussé dans le passé. Foxy devait ouvrir les yeux, maintenant. Et sans retour en arrière «case dodo». Le levé devait être vif, imminent et définitif, du moins pour le reste de la journée.