La foule s'agite peu à peu, se déplace en vague dans la salle. Des vagues monochromes. Un coup blanc. Un coup noir. Parfois des points rouges, éparpillés. Ils font propres, ils font bien. On dirait que tu assistes un peu à une scène de réception de bal de la haute société. Et que t'es là en figurant ou en bouffon du roi. Parce que toi, t'as pas fait d'efforts. Tu fais sale, t'es étranger à ce monde. De ton image et par ton absence psychique déjà emporté par ce que tu t'es injecté dans les poumons et le sang. Tes yeux célestes cernés de violet parcourent la salle et les mots de Miaouss te parviennent avec difficulté. Tu le regardes sans le voir avant qu'il ne disparaisse totalement, sûrement éclipsé dans un coin de la salle. Soupire. Les gens s'écartent autour de toi et tu tires machinalement ton portable de ta poche. Il est tôt. Trop tôt. Chez toi, les soirées, c'est pas avant vingt-deux heures. Là, c'est proche de l'anniversaire dans un fast food. Tu peux pas même pas te consoler en plongeant ton nez dans un verre de vodka.
Lentement, tu te tournes pour te diriger vers le buffet et ses amuse-gueules aux noms compliqués et qui t'échappent complètement. C'est trop bourge pour toi. T'es resté aux curly et aux chips barbec' toute ta vie. Mais tu y retrouveras peut être d'autres gens comme toi, un peu perdus ou un peu seuls. Parce que personne ne leur a proposé de venir avec eux.
Peut être que tu y retrouveras Foxy. Ça t'étonnerait un peu, mais t'as envie de la voir.
Au fond, t'as tout le temps envie. Bien que ce soir, elle est décidée de s'afficher aux bras d'un autre.
Encore un "je pète plus haut que mon cul" de Minspic. C'est vrai que c'est mieux vu qu'aux côtés d'un putain de camé qui s'est ramené en basket. Pourtant, t'as fait l'effort de te coiffer. Et de porter une chemise, juste un peu trop décontractée pour faire classe. Mais quand même. Et pourtant.

— Où est Mademoiselle Laurie ?

Tu crois qu'on te parle. Tu crois savoir qui c'est, aussi. Et t'as vu juste. Utahime se tient devant toi, l'air relativement agité et impatient. Tu regardes autour de vous mais pas la moindre trace de ta lady. C'est alors qu'un sourire victorieux se dessine lentement sur tes lèvres, les étire à leur paroxysme, sans que tes yeux ne s'animent toute fois. Ils restent étrangement ternes et tristes. Éteints.

— Je croyais qu'elle devait être avec toi, Utahime. Mais apparemment, la sauvage petite Foxy en a décidé autrement. Je ne sais pas où elle est. Elle s'est sûrement -pouf !- évadée.

T'agrandis ton sourire en lui adressant un petit clin d’œil et une tape sur l'épaule comme pour le consoler.
Sacrée Foxy.  

En général, t’aimes bien les soirées. T’en as une conception particulière et bien à toi –c’est tellement plus drôle de regarder les autres se mettre la race jusqu’à plus tenir debout- mais t’apprécies le concept parce que c’est synonyme de bonne ambiance. Pourtant, cette soirée-là, t’es intimement convaincu qu’y foutre les pieds, c’est pas une bonne idée. Pourquoi ? Instinct, encore et toujours, fidèle au poste comme jamais. Mais Perle a tellement insisté que tu n’as pas su dire non. T’as même dû jouer à la poupée et c’est elle qui s’est occupée de te coiffer et de te fringuer. Pire qu’un gosse.
C’est donc ainsi que tu te retrouves, plus chic qu’un roi, mais plus mal à l’aise qu’un catholique à une barmitsva. Tu te sens comme un vampire à la lumière du jour et t’as qu’une envie, c’est retourner te vautrer dans ton cercueil loin des yeux du monde. Pourtant, tu te fonds dans la masse, tout le monde s’est mis sur son 31 alors tu passes crème, inaperçu. Mais tu donnerais cher, très cher pour pouvoir desserrer le col un peu trop strict de ta chemise et décoiffer ces cheveux un peu trop bien ajustés.  
Finalement, une autre raison de regretter ta présence en ces lieux t’apparait ; ce brave Asano en pleine discussion avec un blondinet –un mec pour lequel t’as tout de suite une pointe d’admiration parce qu’il est fringué comme un sac à côté des autres et pourtant il a l’air de s’en battre les couilles royalement, chapeau l’artiste-. Tu t’essayes alors à faire demi-tour mais Perle te rattrape et te traîne vers ton colocataire de sa force insoupçonnée. Tu te fais silencieux et tout petit, profitant que la demoiselle ait les yeux rivés sur son copain bourge représente Neuilly pour défaire ce foutu nœud papillon. Tu te tentes même à lancer de subtils signaux d’alertes au blondinet, le suppliant du regard de te traîner loin de ces deux malades.